Le Graal

Publié le par NightWind

Étymologie
À l'origine le mot graal désigne un plat large et assez profond, un récipient creux. Une origine supposée est que le mot graal viendrait du latin médiéval cratella, vase. Pour d'autres, le mot graal ou grasal désigne un plat creux destiné à servir les viandes riches en jus. Il est possible aussi que graal vienne de l'hébreu goral qui signifie sort, hasard.

 

La Nature du Graal
Citation:
D'un graal tenu à deux mains était porteuse une demoiselle, qui s'avançait avec les jeunes gens, belle, gracieuse, élégamment parée. Quand elle fut entrée dans la pièce, avec le graal qu'elle tenait, il se fit une si grande clarté que les chandelles en perdirent leur éclat comme les étoiles au lever du soleil ou de la lune. (…) Le jeune homme les vit passer et il n'osa pas demander qui l'on servait de ce graal.

 

La première mention écrite du Graal est donnée à la fin du XIIe siècle par Chrétien de Troyes dans son roman Perceval ou le Conte du Graal. Cette œuvre inachevée inspira de nombreuses suites. Robert de Boron écrivit sur le même thème Joseph ou l'Estoire dou Graal, puis parut en franco-picard Perlesvaus ou Haut livre du Graal, et finalement le Parzival de Wolfram von Eschenbach. Il faut noter que curieusement et assez subitement vers 1230 le thème du Graal ne donnera plus lieu à de nouveaux développements littéraires.

 

 

La nature de cet objet légendaire a connu de nombreuses évolutions. Sa forme de coupe résulterait initialement d'une évolution de la figure du chaudron du Dagda de la mythologie celtique. À noter que Chrétien de Troyes ne désigne jamais l'objet de la quête par le terme de «Saint Graal». Ce n'est qu'au début du XIIIe siècle que le récipient se christianise, quand Robert de Boron l'assimile au Saint Calice des Évangiles (la coupe utilisée par le Christ lors de la Cène), donnant ainsi naissance au «Saint Graal». De la même manière, des auteurs plus tardifs ont associé la Sainte Lance, utilisée par le centurion romain Longinus qui a blessé Jésus au flanc et sur laquelle se trouvait le sang du Christ, avec la lance décrite par Chrétien de Troyes.

 

Les Divers Récits
Perceval, dans le château du Roi Pêcheur voit un valet tenant une lance noire avec une goutte de sang qui perle de sa pointe de fer, deux autres jeunes hommes tenant des chandeliers d'or fin, et une belle demoiselle tenant un graal d'or fin qui répand une telle clarté que les chandelles en perdent leur éclat. Perceval échoue à l'épreuve du Graal puisqu'il garde le silence devant cette apparition, au lieu de demander pourquoi la lance saigne et à qui on apporte ce récipient. Aucune signification de cette énigme symbolique n'est avancée par Chrétien de Troyes.

 

Pour Wolfram von Eschenbach, le Graal est une pierre dont le nom ne se traduit pas : «Lapsit Exillis», une émeraude creusée en vase dans laquelle Joseph d'Arimathie (celui qui embauma le corps de Jésus et offrit d’abriter la dépouille dans son tombeau) recueillit le sang du Christ. Quant à l’origine de cette pierre, la Gnose Syrienne nous rapporte que ce fut Saint Michel qui détacha la gemme magique du front de Lucifer d’un coup de lance lorsqu’il le terrassa.

 

Enfin, Robert de Boron, au début du XIIIe siècle, explique que le Graal n'est autre que le Saint Calice, coupe évoquée, sans lui donner de nom, par de nombreux écrits apocryphes tels les Gesta Pilati ou le Pseudo-Évangile de Nicodème. Emporté en terres lointaines par Joseph d'Arimathie, le «Saint Graal» devient le centre d'un mystère (car l'objet est d'abord caché puis perdu) auquel certains élus participent.
Cette christianisation de la légende du Graal est parachevée par la Queste del Saint-Graal, roman anonyme écrit vers 1220, qui fait du Graal la Grâce divine. Effectivement selon la légende, celui qui boit dans cette coupe accède à la vie éternelle.

 

 

Le Roi Pêcheur
Le Roi Pêcheur (en vieux français le Roi Méhaignié) apparaît pour la première fois dans le roman inachevé de Chrétien de Troyes, aux environs de 1180. Ni sa blessure ni celle de son père ne sont expliquées, mais Perceval découvre par la suite que les rois auraient été guéris s'il les avait questionné sur le Graal.
Le récit de son histoire varie largement selon les oeuvres, mais il est à chaque fois blessé aux jambes ou à l'aine par un coup de lance (la Lance de la Destinée). Malgré les euphémismes utilisés dans la plupart des textes, la blessure à cet endroit est plus qu'un hasard puisqu'il est symbole de virilité et de fécondité. Cette blessure a un impact sur le royaume du Roi Pêcheur qui devient terre gaste, inféconde.

 

La Terre Gaste trouve son origine dans une croyance celtique selon laquelle la fertilité de la terre dépendait de la virilité du roi ; le roi étant symboliquement marié à ses terres. Jessie Weston, dans son livre From Ritual to Romance, affirme qu’il s’agit là d’une survivance des rituels de fertilité païens, et que sous la surface des diverses légendes, on peut discerner les rites de cultes primitifs.

 

Légendes autour de Joseph d'Arimathie
Robert de Boron a écrit en vers, une légende du Graal mettant en scène Joseph d'Arimathie, et qui a inspiré d'autres légendes. Dans toutes ces légendes, Joseph d'Arimathie recueille dans le Saint Calice quelques gouttes du sang émanant de la plaie faite par le coup de lance du soldat Longin.

 

 

Dans la légende de Robert de Boron, Joseph d'Arimathie transmet le Saint Calice à son beau-frère, qui le transmet à son tour à son fils, qui le transporte aux Vaux d'Avaron, un endroit inconnu que certains interprètent comme étant l'île d'Avalon, elle même identifiée à Glastonbury.
Selon certaines légendes, Joseph aurait construit une arche contenant la coupe, la lance, un vase, une épée, aurait été jeté dans une barque avec cette arche et quelques compagnons d’infortune, entre autres, Marie-Madeleine, Marie Jacobé (soeur de Marie), Lazare (le ressuscité), Sara (une servante qui deviendrait la Sainte Sara des tziganes). La barque aurait échoué en Provence. D'autres textes de troubadours font débarquer Joseph en Grande Bretagne, en même temps que l'invasion saxonne. Dans ce dernier cas, seule la coupe sacrée est présente.

 

Interprétations récentes
Dans les années 1980, Henry Lincoln, Michael Baigent et Richard Leigh donnent une interprétation allégorique du Graal dans leur essai L'Énigme sacrée. Selon eux, le Graal serait une métaphore pour désigner une descendance cachée qu'aurait eue Jésus d'une supposée union avec Marie-Madeleine. Saint-Graal serait en l'occurrence une déformation de Sangréal signifiant «sang royal». Ce pourrait être aussi Marie-Madeleine elle-même en sa qualité de «porteuse» de cette descendance.
Jessie Weston, quant à elle, a exposé l’idée qu’à l’origine de la tradition du Graal, il y aurait les rites d’un culte secret à mystère. Le Graal aurait été un plat sacré comme l’étaient ceux utilisés par la tradition Orphique. Weston suggère aussi que la Lance Sanglante, portée par un valet et le Graal, porté par une demoiselle, étaient des éléments sexuels symboliques d’antiques mystères païens. De plus, nous rappelle-t-elle, la Lance et la Coupe n’apparaissent pas seuls dans les contes du Graal, mais associés à d’autres objets. Le plat ou tailloir d’argent et l’épée présents dans diverses versions auraient une connexion avec les symboles du Tarot : Coupe, Lance ou Bâton, Epée et Denier ou Ecu.

 

Interprétation Personnelle
Depuis longtemps, les légendes du Graal me fascinent, comme beaucoup, je pense. De nombreuses lectures m’amènent à rejoindre Jessie Weston sur bien des points. Il ne s’agit là, bien sûr, que d’une interprétation, mais je ne peux m’empêcher de faire la connexion entre le cortège du Graal décrit pas et les rites pratiqués par les néo-païens que nous sommes.
Comment, en effet, ne pas faire le rapprochement entre le Calice, l’Athamé, la Baguette et le Pentacle qui ornent nos autels et les 4 objets du cortège vu par Perceval : Graal, Epée, Lance et Plat ? Et comment ne pas songer au Grand Rite qui, par l’union de l’Epée et de la Coupe, symbolise l’union du Dieu et de la Déesse ?

 

 

Difficile aussi d’ignorer que le thème du Roi Pêcheur, ce vieux Roi infécond qui attend du jeune héros qu’il redonne à la terre sa fertilité, ressemble fortement au Roi Houx de l’hiver qui attend sur son trône souterrain le renouveau apporté par le jeune Roi Chêne.
Et je suis tentée de voir les nombreux personnages féminins comme autant de représentations de la Déesse… Car les contes du Graal, qui font partie de la littérature courtoise, mettent en scène de nombreuses jeunes filles et femmes dont le rôle initiatique a dû fortement déplaire aux moines du Moyen-Age, qui se sont empressés de transformer ce graal (féminin et très sexuel) en «Saint Graal» contenant le sang du Christ et la Grâce Divine.

 

Je terminerai en citant Markale, dans l’Introduction au Cycle du Graal :
Citation:
Le patrimoine de l’humanité comprend non seulement les moments architecturaux les plus spectaculaires du passé, mais toutes les œuvres de l’esprit sous quelque aspect qu’elles se présentent. Elles témoignent toutes des grandes étapes de l’aventure humaine depuis l’aube des temps, surtout lorsqu’elles ont été véhiculées de génération en génération par la mémoire collective des peuples. Ainsi ont survécu et perduré les grands mythes essentiels sans cesse réactualisés au cours des siècles par des récits mythologiques, épopées ou sagas, sous lesquels se dessinent les schémas les plus archaïques (…) A travers l’extraordinaire, le merveilleux, le fantastique, ils définissent une règle de vie que nous avons non pas perdue mais négligée. (…) Car après tout, il s’agit là, sous une forme symbolique et imagée, d’une véritable synthèse des pulsions fondamentales des peuples qui ont constitué l’Europe. (…) Et c’est sans doute le moment opportun de leur rendre leur dimension originelle en tant que témoignage d’une tradition européenne trop longtemps mise en sommeil.

Publié dans Autour d'Avalon

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